J'aimerai mieux avoir perdu tout ce que
j'ai plutôt que d'avoir perdu cette bague...
Cette phrase me paraît essentielle, un pivot de Pelléas. Golaud semble comprendre le fonctionnement du drame de Maeterlinck, où le symbolique crée le réel. Perdre l'anneau n'est pas qu'une mésaventure de mauvais présage, c'est la certitude de la perte concrète de son mariage, de son amour, de sa vie. C'est cela qui le replongera dans la forêt, tandis que Mélisande s'échappe par la mer.
Si besoin, on peut redéfinir dans la partie "hors sujet" la place de la forêt et de la mer, nos analyses peuvent diverger.
Cette phrase marque pour moi une déchirure, Golaud semble sortir du drame et regarder l'écriture de Maeterlinck en train de bâtir la pièce. Un procédé très courant dans premier vingtième siècle, mais peut-être pas aussi tôt et aussi radicalement.
Voir par exemple les inénarrables Paludes d'André Gide (1895), mais où le personnage qui s'extrait de la fiction est le narrateur, ce qui semble plus plausible. Ou, bien plus tard, la Tentative de description du décès de Ruben Rubenović, ex-négociant en étoffes de David Albahari, où la mère décédée du narrateur sort du cadre (d'il y a de nombreuses années) pour houspiller le lecteur, d'une façon très saisissante.